
De plus en plus de Canadiens se constituent des portefeuilles en tenant compte du bien-être de la planète — et pas que des profits.
C'est en grande partie grâce à l'essor rapide de l'investissement socialement responsable qui intègre des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans le choix et la gestion des investissements. Cet engouement va de pair avec l'intérêt croissant du public face aux problèmes mondiaux comme les changements climatiques, la prolifération des armes et les droits de la personne.
L'investissement socialement responsable gagne du terrain…
Selon les données de Morningstar Research Inc, les actifs canadiens investis dans des fonds durables et des FNB totalisaient 28,2 milliards de dollars à la fin du troisième trimestre de 2021. Cela représente un taux de croissance de 143 % par rapport à l'année précédente. À l'échelle mondiale, l'investissement durable représente désormais une industrie de 4 400 milliards de dollars (en anglais), selon l'Alliance mondiale pour l'investissement durable.
D'autres signes témoignent d'un appétit croissant pour l'investissement doté d'une conscience sociale. Les six grandes banques canadiennes ont récemment annoncé qu'elles se joindraient à l'alliance bancaire
Net Zéro — s'engageant ainsi à aligner leurs portefeuilles de prêts et d'investissement en vue d'atteindre l'objectif zéro émission nette d'ici 2050 — tandis que l'Université de Toronto est devenue le plus récent établissement d'enseignement supérieur de renommée à annoncer des plans (en anglais) de désinvestissement des combustibles fossiles, rejoignant ainsi l'Université de Guelph, l'Université Concordia et d'autres.
… mais certains restent sceptiques
Pendant longtemps, l'investissement socialement responsable (ISR) a été accueilli avec scepticisme par de nombreux acteurs du secteur financier. Cette attitude persiste chez certains. L'ancien directeur général de l'information chez BlackRock, Tariq Fancy, l'a qualifié (en anglais) de « battage marketing » et de « campagne de relations publiques » pas plus tard qu'en mars dernier dans un article d'opinion paru dans le quotidien USA Today.
Mais la croissance régulière et continue du secteur témoigne du fait que, finalement, le mouvement d'investissement durable pourrait être bel et bien… durable.
« Je pense qu'il s'agit d'un phénomène à long terme et qu'il n'est pas près de disparaître, » estime Ian Tam, directeur de la recherche sur les investissements au Canada chez Morningstar.
« L'éducation des investisseurs y joue un rôle important. Je pense que les investisseurs ne font que commencer à se familiariser avec l'investissement durable. Les portails de communication s'améliorent et les gens sont bombardés de nouvelles et de publicités à ce sujet, ce qui les aide à en apprendre davantage sur la façon d'investir de manière durable. »
Le fait que l'intérêt soit suscité à la fois par les citoyens et les grands établissements y contribue également.
Les grands investisseurs l'ont popularisé…
Même que, selon Tam, l'idée d'investir de manière durable est venue en grande partie des grands propriétaires d'actifs — comme les grands régimes de retraite
canadiens — qui, pendant des années, ont imposé une approche durable dans leur stratégie d'investissement. Petit à petit, les gestionnaires d'actifs et les sociétés de fonds ont commencé à reproduire certaines de ces approches dans un plus grand nombre de produits d'investissement proposés aux Canadiens. Parallèlement, ils ont également déployé à grande échelle des campagnes de marketing sur l'investissement socialement responsable, contribuant ainsi à faire passer le message aux Canadiens.
L'autre facteur ayant entraîné un intérêt accru de la population pour ce type de fonds ? La démographie. Les jeunes générations semblent plus enclines à combiner argent et moralité lorsqu'elles se tournent vers l'investissement.
« Une grande partie de la richesse passe des baby-boomers à la génération X et aux millénaires en ce moment, » explique Tam. « Ces groupes plus jeunes sont un peu plus conscients de l'impact de leurs investissements sur les gens, la planète et, bien sûr, leurs propres profits. »
… mais il y a encore place à la croissance
Bien que l'intérêt pour l'investissement responsable soit manifestement en hausse, il faut souligner qu'il ne représente encore qu'une très petite partie de l'ensemble des investissements au Canada. Les données de Morningstar montrent que les investissements durables représentent moins de deux pour cent des fonds communs de placement et fonds négociés en bourse (FNB) en vente au Canada.
« C'est un petit pourcentage. Ça augmente très rapidement, mais il n'en reste pas moins que c'est très peu, » précise M. Tam.
Un obstacle majeur ? L'absence de réglementation détaillée concernant la désignation des fonds comme étant des fonds ESG a laissé de nombreux investisseurs perplexes, ne sachant pas exactement où va leur argent.
M. Tam s'attend à ce que la réglementation s'intensifie dans ce domaine, mais il faudra néanmoins éduquer davantage les investisseurs. Les détracteurs de l'investissement socialement responsable évoquent souvent le phénomène de l'écoblanchiment, phénomène par lequel les émetteurs de fonds induisent les investisseurs en erreur en leur faisant croire qu'ils investissent de manière socialement responsable. M. Tam affirme que l'écoblanchiment n'est pas très répandu au Canada, mais il encourage les investisseurs à faire leurs devoirs et à savoir où va leur argent.
Déboulonner le plus grand mythe
Puisque nous évoquons l'éducation des investisseurs, M. Tam tient à souligner un autre point important : investir de manière durable ne signifie pas nécessairement qu'il faille sacrifier les profits aux principes.
« Il existe un mythe qui veut que lorsque vous investissez de manière durable, vous réduisiez vos rendements. Ce n'est pas vrai. D'après les études que nous avons menées jusqu'à présent, nous constatons que les fonds communs de placement durables se comportent à peu près comme les fonds communs de placement non durables, » explique M. Tam.
Ce constat est corroboré par bon nombre d'études, comme celle de l'université de Carleton (en anglais) qui souligne par ailleurs que les investissements socialement responsables peuvent réduire le risque d'un portefeuille.
« Le mythe de l'investissement durable au détriment des rendements commence à s'estomper, » constate Tam. « Je pense que cela aidera les gens à se sentir un peu plus en confiance face aux investissements dans ces types de produits. »
Bien que jamais deux fonds n'auront le même rendement — certaines années, un portefeuille ISR peut surpasser la performance du marché. Parfois, il peut tirer de la patte — ce serait une erreur de tenir comme acquis qu'investir de façon durable implique de renoncer à des rendements élevés.
Contenu similaire


